Tchernobyl et le COVID

Des fins du monde qui n’ont rien changé

À l’hiver dernier une pandémie incontrôlable commence et le pouvoir s’active à essayer de la gérer, afin de conserver son assise, son emprise sur le monde, sa substance, le pouvoir. L’image d’une fin du monde « COVID » s’étend rapidement à toutes les sphères de la vie humaine. Elle rend l’exception sécuritaire normale. Elle est même souhaitée par une bonne partie de la population.

Après avoir fermé l’économie du pays nos bons dirigeants capitalistes ont maintenant décidé de gérer cette deuxième vague en roulant l’éducation et le travail. C’est-à-dire de produire des futurs salariés et de garder ceux et celles qui génèrent des bidoux occupées. Pis pas droit aux relations sociales, humaine, vous pouvez faire des burnout et vous crisser en dessous d’un train dans 2 ans on gérera les problèmes plus tard. Pour l’instant on est responsable, on sauve des vies en gardant les urgences ouvertes. L’important pour le pouvoir c’est de gouverner pis gouverner c’est de rentrer du cash dans les caisses pour le vrai monde, c’est ça qui est ça.

L’hiver arrive de nouveau et il semble que le marasme ne fasse que commencer. Voici donc une métaphore autour du thème de la fin du monde qui n’a rien changé.

En fait, je voulais vous parler de Tchernobyl.

Tchernobyl a commencé à m’intéresser macabrement il y a quelques années quand de premières études révélaient que la biodiversité dans la zone était en bien bon état. Parce qu’un réacteur nucléaire en fusion sous un cercueil de béton armé en train de craquer, ben c’est moins dangereux pour les plantes et les animaux que la civilisation moderne.
Même qu’une économie au noir, exploitée par des humain-e-s un peu kamikazes y fleurit, au grand dam de l’union européenne.

« Despite obvious health risks to undocumented workers and unsuspecting customers, they log thousands of hectares of trees that become timber or charcoal, smuggle thousands of tonnes of irradiated scrap metal, poach fish and game, pick and sell contaminated berries and mushrooms, and illegally mine amber, according to anti-corruption groups, environmentalists, officials, police and court documents. » i

Ces biens sont évidemment irradiés et comportent de grands risques pour la santé humaine du monde civilisé. L’état de l’Ukraine étant ce qu’il est, les autorités officielles sont plus intéressées par la manne de pots de vins que les contrebandiers versent que par les normes sanitaires. Ainsi les 2600 km2 de la zone deviennent une richesse économique non réglementée. Plus particulièrement, le recel de métal irradié pour la construction, la cueillette de petits fruits, de champignons sauvages et la pêche aux poissons fancy y sont particulièrement lucratifs.

La catastrophe, de toute pièce créée par l’avarice humaine et l’avancée de la civilisation, aurait très bien pu emporter le monde tel qu’on le connaît dans un hiver nucléaire. Face à cette possibilité, le pouvoir soviétique a répondu simplement en gérant la crise par l’exercice de ses fonctions.

Récemment une série télé de la HBO, sortie en 2019, met en scène comment, à l’époque (1986) le pouvoir en place a 1) nié la gravité de la chose.

Puis devant la catastrophe imminente, il a 2) décidé de sacrifier les vies des travailleurs de première ligne. Des travailleurs, surtout des mineurs et des gens de la construction, se sont volontairement (et moins volontairement) engagés pour enterrer le réacteur et construire la structure de béton armé, le sarcophage qui tient le monstre en place, parce que c’était ce qu’il y avait à faire.

3) Ils & elles sont morts irradié-e-s sur le champ ou plus tard, dans le secret d’état des hôpitaux communistes.

4) Le communisme a tenu encore 4 ans. Après ça il est tombé parce-que moribond anyways. Le nouveau pouvoir capitaliste Russe a continué la production d’électricité avec l’énergie nucléaire.

Les scientifiques soviétiques avaient prédit que le réacteur pouvait être instable. Ils et elles se sont également arrachés les cheveux quand le tout a sauté et plusieur-e-s ont passé des années par la suite à gérer les retombées, à se suicider des traumas de la tragédie ou à militer contre la nucléarisation de la production électrique. La nucléarisation de la production électrique s’est poursuivie avec des mesures pour que les réacteurs soient mieux réfrigérés, pour que ça soit plus gérable et sécuritaire la prochaine fois.

5) Et Tchernobyl a été oublié, il y a quelques monuments à la mémoire des mineurs morts irradiés et leurs familles vont encore y porter des fleurs. Parce qu’après le deuil et la fin du monde la vie continue.

Ça vous sonne des cloches sur la catastrophe climatique en cours ou sur comment les gouvernements à travers le monde gèrent la COVID?

Alors que son origine est une zoonoseii , due aux relations défaillantes de l’humanité avec la « nature » on oublie vite de questionner le fond de la « crise ». Je mets ici « nature » car il semble évident que l’humanité en fait partie, et que cette économie-monde de pillage ne fait pas de sens et n’en a jamais fait. Dans cette même optique, il est question de « crise » pour parler du COVID. Loin de moi l’idée d’une conspiration, de minimiser les dégâts de la maladie ou encore de banaliser les moyens de santé publique à utiliser. Seulement sur une planète en train de brûler grâce aux changements climatiques, avec des déplacements migratoire sans précédents, de nombreuses guerres civiles larvées ou se déroulant au grand jour, une extinction de masse de la biodiversité, etc., etc., me semble qu’on est un peu à court de superlatifs. Bref, je laisse tomber les « mots » parce que c’est lourd à lire, mais vous avez saisi le concept.

Les mêmes mécanismes qu’à Tchernobyl sont en place. Sacrifice des travailleur-se-s, déplacement des populations touchées, déni des problèmes les plus évidents. Les populations les plus précaires, souvent travailleurs-ses essentielles, sont sur la première ligne de la crise quotidienne, celle de la perpétuation du monde capitaliste.

Reproduire le social et l’économique, sans poser de question.

La crise de Black Lives Matter se superpose au COVID, ou encore la mort de Joyce Echaquan, et il se trouve encore des dirigeant-e-s pour nier le racisme systémique et se contenter de prendre des mesures de sécurité sanitaires accrues. Ou juste envoyer la police casser des geules, c’est leur job après tout. Pis laisser les hôpitaux et le travail social gérer les dépressions, troubles anxieux et suicides qui suivent.

La narration qui entoure ces fins du monde qui n’ont rien changé se répète. Le pouvoir ramène la population à ce qu’elle est, un moyen cheap pour générer de la richesse et exercer son autorité. Pas de morale à l’horizon, pas de solutions aux problèmes. Parce que dans la logique de gouvernance il n’y a qu’un problème : conserver le pouvoir.

La COVID va passer, les changements climatiques vont continuer. On vivra en télé-travail, scotchés sur les réseaux sociaux à l’ombre d’un sarcophage nucléaire ou d’autres structures mortuaires. Un jour le pouvoir qui les a fait bâtir va passer à son tour, parce qu’il est moribond. Pis ceux qui restent pourront aller pêcher l’anguille et cueillir des petits fruits, s’il en reste, pour vendre de la bouffe irradiée aux nouveaux riches.

Là je pourrais écrire un texte insurrecto. Mais au final ça tient en une phrase, « brûlez donc tout ça qu’il en reste des anguilles, des oiseaux pis des petits fruits, c’est ben bon et beau, pis ce serait triste qu’il en reste pu ».

Imaginez ce que vous voulez pour les détails si ça vous fait plaisir.

Notes

Mansur MIROVALEV, 6 mars 2020, disponible en ligne sur : https://www.aljazeera.com/indepth/features/chernobyl-radioactive-zone-shadow-economy-thrives-200306164653889.html

ii  Le terme couvrant ici les infestations parasitaires dont les agents se transmettent naturellement des animaux à l’être humain, et vice-versa.

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