Les pratiques de pillage dans les milieux culturels dominants
L’été 2018 a été marqué, entre autres, par la controverse entourant les pièces SLĀV et Kanata, où encore une fois des personnes privilégiées se sont permises d’interpréter de manière indulgente les relations entre des groupes dominants et des exploité-e-s. Après les documentaires québécois sur « l’héritage autochtone des québécois » les uns plus pathétiques que les autres, la controverse s’est reproduite dans le domaine de la musique et du théâtre.
Tout a commencé avec la première du spectacle de musical de SLĀV (produit par Robert Lepage, en collaboration avec Betty Bonifassi), présenté au Festival International de Jazz de Montréal (FIJM) 2018. Contrairement aux réactions positives face à la sortie de l’album hommage aux chants d’esclaves afro-américains de Betty Bonifassi, SLĀV a été décriée par plusieurs comme une réappropriation de la culture noire, voire une démarche raciste dans ses étapes de création et de production. Le spectacle a été annulé après trois représentations. Quelques semaines plus tard, une autre production de Robert Lepage, la pièce de théâtre Kanata, mettant en scène l’histoire du Canada d’un point de vue des premières nations, est critiquée par des personnes autochtones. On y dénonce le fait que celles-ci ont été ignorées dans chacune des étapes de création et de production, à part quelques consultations et quelques témoignages. La pièce a été annulé suite au retrait de co-producteurs nord-américains. Dans les deux pièces, peu ou aucune personne représentée faisait partie de la distribution du spectacle.
Mais avant de poursuivre, explorons qui est ce Robert Lepage.
En bref, il est un auteur et un metteur en scène québécois. Issu du Conservatoire d’art dramatique de Québec, il a été directeur artistique de plusieurs pièces de théâtre dans les années 80. En 1994, Lepage fonde sa propre compagnie de création multidisciplinaire Ex Machina à Québec. Il est particulièrement connu par le public général en 2008 avec le Moulin à images, une projection architecturale à Québec. Il a collaboré à quelques reprises avec le Cirque du Soleil. Il est également désigné comme le directeur artistique d’un nouveau théâtre à Québec, Le Diamant.
Le Diamant
Le corporatisme dans le milieu théâtral
Le projet Le Diamant a vu le jour en 2008. La présidente du nouveau théâtre est la sœur de Robert Lepage, Lynda Beaulieu, qui est également son agente et adjointe à Ex Machina. Vice-président du Théâtre, on retrouve Vincent Masson, est un homme d’affaire qui a travaillé pour Ex Machina et Apple. Comme administrateur, on retrouve un avocat de Québec, impliqué dans plusieurs conseils d’administration d’événements, une vice-présidente exécutive des affaires corporatives de la Capitale, une ancienne animatrice de radiocanada, un producteur du Cirque du soleil, le Fondateur et président-directeur général de Fondaction CSN, un membre du CA de la société de développement Angus à l’origine d’un des premiers projets gentrificateurs de l’est de Montréal, le technopole Angus, et une artiste huronne-wendate. Jusqu’à récemment, un rappeur de Québec siégeait également sur le CA du théâtre et collaborait au projet.
Ce théâtre se veut comme un lieu de diffusion de la création contemporaine québécoise et internationale, contribuant à l’activité économique de la Ville de Québec, doté d’équipements hi-tech. Le théâtre est piloté par Ex Machina et Robert Lepage. Le théâtre se veut aussi un « lieu collectif » : « cet espace rassembleur sera en dialogue constant avec la communauté et favorisera la richesse des échanges. » Les présidents du Théâtre sont Jacques Ménard, président à BMO Groupe financier, et Guy Cormieur, président et chef de la direction au Mouvement Desjardins. C’est comme quand la gauche québécoise rencontre la droite, c’est tellement émouvant.
Chronique d’un spectacle raciste annoncé
Ce n’est pas la première fois que Robert Lepage s’approprie des éléments d’autres cultures (pour leur exotisme) dans sa mise en scène pour divertir un public majoritairement aisé (La trilogie des dragons – 1985 et 2003, Les sept branches de la rivière Ota – 1994, Le dragon bleu – 2008). C’est ça sa business, monter des spectacles pour les riches. Par exemple, le spectacle KÀ 1, en collaboration avec le cirque du soleil, qui se tiendra nul part ailleurs qu’à Las Vegas. Mais avec SLĀV et Kanata, il franchit une étape de plus, il produit et raconte l’histoire à la place des autres.
Le 26 juin, une centaine de personnes ont manifesté devant le théâtre du nouveau monde, dénonçant que le spectacle musical SLĀV s’approprie des éléments fondateurs de la culture afro-américaine et qu’il s’enrichit sur le dos des personnes historiquement opprimées. Un artiste hiphop présent à la manif a dénoncé le fait que « Les Blancs ne devraient pas profiter de l’histoire, de la culture et de la souffrance des Noirs » et que « les chants d’esclaves n’ont pas été écrits pour que des personnes blanches fassent un profit sans inclure des personnes noires ». Un autre manifestant a aussi déclaré que les producteurs du spectacle « prenaient le contrôle de [leur] douleur, [leur] souffrance, [leur] histoire, pour des billets de 60 à 90 $ ». Enfin, certains manifestants ont exigé l’annulation du spectacle et des excuses publiques de la part du FIJM.
Dans une déclaration commune, Robert Lepage et Betty Bonafassi ont riposté aux critiques :
« Oui, l’histoire de l’esclavage sous ses multiples formes appartient d’abord à ceux et celles qui l’ont subi, et à tous ceux qui en ont hérité.
Mais cette histoire a été écrite par les oppresseurs autant que par les opprimés, par des blancs aussi bien que par des noirs. Et il faut en témoigner, d’abord pour qu’elle soit connue, mais aussi pour éviter qu’elle ne se perpétue.
Le métissage dans toute sa fécondité artistique et culturelle est au cœur de SLĀV, tout autant que l’esclavage. Avons-nous le droit de toucher à ces sujets ? Le public en jugera après avoir assisté au spectacle. De notre point de vue, nous avons surtout, blancs ou noirs, un devoir, celui d’aborder les épisodes les plus sombres de l’histoire pour tenter d’en tirer un peu de lumière.
La musique et le théâtre comptent certainement parmi les moyens les plus nobles de le faire.
Robert Lepage
Betty Bonifassi
Ex Machina »
Analysons leur discours.
1er argument : « Mais cette histoire a été écrite par les oppresseurs autant que par les opprimés, par des blancs aussi bien par des noirs ». Le fait que des oppresseurs ont créé un problème ne te donne pas un droit ou ne fait pas en sorte que tu as habilité d’en parler à la place des personnes opprimées. Notons aussi qu’ils s’identifient aux oppresseurs.
2e argument : « Et il faut en témoigner, d’abord pour qu’elle soit connue, mais aussi pour éviter qu’elle se perpétue ». Malheureusement, faire connaître des événements historiques horribles au grand public n’évite pas de voir l’histoire de se répéter. Par exemple, tous les séries, films, romans, pièce de théâtre sur des atrocités passés n’ont pas du tout empêché les atrocités contemporaines. Ça prend plus que ça, comme démanteler les institutions qui permettent les atrocités, arrêter physiquement ceux qui orchestrent, contribuent et commettent les atrocités. Avec cette pièce, l’oppression continue, car on tait les voix dissidentes.
3e argument : « Le métissage dans toute sa fécondité artistique et culturelle est au cœur de SLĀV, tout autant que l’esclavage. » Une belle phrase vide de sens qui démontre l’incompréhension des auteurs des conséquences historiques du système d’esclavage en Amérique du Nord.
4e argument : « Avons-nous le droit de toucher à ces sujets ? ». La question ne devrait pas être si, mais comment. Lepage réfléchit en terme de résultat, et non de processus, et c’est au processus que les critiques qu’il a reçues s’attaquent. En plus, le simple fait d’en parler à ses ami-e-s de sa classe sociale ne provoque pas un changement. Les discours des riches peuvent changer / se modifier. Par exemple, les notions de démocratie, de liberté d’expression ou même de révolution (plus récemment), ont été associées dans un passé pas si lointain à quelque chose de subversif/déstabilisateur de l’ordre social par ceux qui exerçaient du pouvoir, mais maintenant ces mots font partie intégrante de leur langage. Donc, les discours des riches peuvent récupérer des thèmes abordés dans les discours alternatifs/d’opposition, mais les relations de pouvoir ne déstructureront pas, elles se renforcent.
Et les deux dernières phrases du communiqué, à connotation humaniste bien occidentale, ont été placées là pour bien paraître aux yeux des progressistes québécois.
La leçon ignorée
En discutant avec des personnes intéressées par le spectacle, j’ai rapidement noté que l’accent était mis sur le fait que des citoyen-ne-s ont été insultés par les manifestants, qu’ils/elles ont été traité-e-s de racistes, et que l’appel à l’annulation du spectacle rimait avec censure. Mais est-ce qu’ils ont moindrement écouté les critiques?
Le lendemain du spectacle et du communiqué de Lepage et Bonifassi, Émilie Nicolas, anthropologue et militante, en parlant des chants d’esclaves, a dit en onde d’un grand média :
« Nos pratiques culturelles ont été rendues illégales, ont été méprisées, ont été décrites comme sataniques et inférieures, et comme étant une preuve du fait qu’on méritait les traitements discriminatoires au fil des siècles.
Des fois, [cet art] devient à la mode. Certaines personnes décident de reproduire cette culture, sans donner de crédit ou de récompense financière aux gens qui l’ont créée. Ça reproduit les dynamiques de vol et de pillage qui font partie de la colonisation. Quand on parle d’appropriation culturelle, fondamentalement, c’est ancré dans des rapports de pouvoir inégalitaires dans une histoire très précise. C’est profondément blessant pour les gens de voir encore une fois ce qu’ils créent être pris, sans que rien leur reste en retour. »
Et elle a aussi rajouté ce commentaire très pertinent :
« il y a une homogénéité dans les médias et dans le milieu des arts et de la culture au Québec. Quand des représentations ou des aspects de la culture touchent les cultures noires, on a l’audace d’engager des Blancs pour le faire. C’est ça qui est raciste. Ce n’est pas : « Est-ce que ces personnes sont bonnes ou mauvaises? »
On parle d’un système qui dure depuis des siècles, dans lequel on exploite la culture, la créativité et le génie des personnes noires, sans bénéfice. On s’approprie le crédit, on fait des messages sur l’universalité de la souffrance, sans prendre le temps de reconnaître les gens qui sont des afro-descendants, ici même à Montréal. »
Le dialogue avorté
Mais bon, les critiques ont été ignoré par les partisans de Lepage et les producteurs ont préféré rester muets et dans l’inaction. Ç’a pris qu’un musicien afro-américain, Moses Sumney, annule son spectacle prévu au FIJM pour que les choses bougent. Paniquant devant la perspective d’une baisse de profit, le Festival de Jazz (FIJM) décide alors de s’excuser et d’annuler le spectacle SLĀV. Le 6 juillet, Robert Lepage publie une lettre ouverte de toute beauté où il justifie son silence pour ne pas « jeter l’huile sur le feu ». Il aurait pu répondre à la critique au lieu d’en faire fi. Qu’est-ce qu’il fait à la place? Il en remet une couche.
« Je tiens à préciser que Betty Bonifassi, ses choristes, l’équipe d’Ex Machina et moi‐même étions conscients, depuis le début du projet, que le sujet que nous abordions était sensible et qu’il était donc de notre devoir d’agir et de créer ce spectacle de manière respectueuse, réfléchie, informée, honnête et intègre ».
…
« Mais maintenant que SLĀV est officiellement muselé, il nous faut bien trouver un autre moyen de dire.
[…]
Pour moi, la chose la plus navrante que je note, dans la rue comme dans certains médias, c’est l’affligeant discours d’intolérance. Tout ce qui a mené à cette annulation est un coup porté à la liberté d’expression artistique et je considère que mes 40 années d’expérience dans les arts de scène m’autorisent à parler avec légitimité de cet aspect de la question.
Depuis la nuit des temps, la pratique théâtrale repose sur un principe bien simple : jouer à être quelqu’un d’autre. Jouer à l’autre. Se glisser dans la peau de l’autre afin d’essayer de le comprendre et, par le fait même, peut-être aussi se comprendre soi-même. Ce rituel millénaire exige, le temps d’une représentation, que l’on emprunte à l’autre son allure, sa voix, son accent et même à l’occasion son genre.
À partir du moment où il ne nous est plus permis de nous glisser dans la peau de l’autre, où il nous est interdit de nous reconnaître dans l’autre, le théâtre s’en trouve dénaturé, empêché d’accomplir sa fonction première, et perd sa raison d’être.
Au fil de ma carrière il m’est souvent arrivé de consacrer des spectacles entiers à la dénonciation d’injustices subies à travers l’histoire par des groupes culturels spécifiques dont aucuns des acteurs n’étaient issus. Ces spectacles ont été joués partout à travers le monde, devant les publics les plus divers, sans jamais que l’on ne m’accuse d’appropriation culturelle et encore moins de racisme. Bien au contraire. Ces réalisations ont toujours été bien accueillies et ont fait d’Ex Machina l’une des compagnies de théâtre les plus respectées au monde.
[…]
S’il n’en tenait qu’à moi, le spectacle tiendrait encore l’affiche car je revendiquerai toujours le droit, au théâtre, de parler de tout et de tous.
Sans exception.
Aucune ».
Robert Lepage
Metteur en scène »
Voyons les notions clés de son discours :
1. Muselé, une notion liée à celle de censure.
Il se représente comme victime de la censure d’un groupe vaguement définie.
2. Discours d’intolérance.
Ici, il argumente que les gens qui critiquent sa pièce (sans avouer que cette pièce est problématique) ne le tolère pas, qu’ils font preuve d’intolérance envers lui. Ici, il retourne la position dans la configuration du pouvoir, il devient victime de l’intolérance des personnes qui se sentent opprimées par sa démarche.
3. Liberté d’expression artistique.
Depuis un certain temps, des êtres bénéficiant des relations de pouvoir en place ne cessent de crier à qui veut l’entendre qu’ils sont victimes de ceux et celles qui se lèvent debout et pis qui disent c’est assez, basta, arrêtez de parler en notre nom, arrêtez de nous utiliser et nous allons reprendre ce qui nous appartient. Historiquement, la notion de liberté d’expression a été utilisée par des minorités (de tous genres), des réformateurs ou des révolutionnaires, qui se faisaient réprimer et empêcher de publier leur littérature, parce que l’État proclamait que ces textes remettaient en question l’ordre établi. Mais là, ce à quoi qu’on assiste, c’est des personnes bénéficiant de l’ordre social actuel, qui produisent des textes, discours, œuvres ne remettant pas en question les structures sociales, qui se font corriger par des groupes populaires et qui par la suite, prétendent que leurs droits sont réprimés. C’est quand même fucké quand tu y penses un peu.
4. Mon expérience m’autorise de parler avec légitimité.
Lepage utilise un argument d’autorité. Il invoque son expérience (40 ans de carrière) pour se donner l’autorisation de parler, avec légitimité souligne-t-il, de la liberté d’expression. C’est ici qu’on voit comment il dévie la question de l’appropriation culturelle, le vol des créations de personnes opprimées historiquement et le façonnage de spectacles dans le but de s’enrichir, et braque plutôt les projecteurs sur le thème abstrait de la liberté d’expression et comment sa création a été muselée.
5. La pratique théâtrale.
L’expression qui est réprimée ici est, selon Lepage, la pratique théâtrale, le fait de jouer à être quelqu’un d’autre. Personnellement, j’aime bien le théâtre et la description qu’il en fait, mais ce n’est pas la performance des actrices qui a été critiquée, c’est tout le processus de création de la pièce qui est remise en question. La performance, je suis sûr qu’elle est bonne. Et jouer à être quelqu’un d’autre, on le fait à tous les jours dans notre quotidien. On joue à être parent, étudiant-e, travailleur-euse, chauffeur-euse, policier-ière, infirmière-ier, peu importe, les personnes jouent constamment des rôles dans notre société. Ce n’est donc pas unique au théâtre, quoique j’admets que le théâtre va au-delà de la performance quotidienne, le milieu culturel québécois rend le théâtre comme quelque chose de spectaculaire – séparant ceux/celles qui agissent et ceux/celles qui assistent, malgré les tentatives d’inclure le public – et comme une entreprise – vendre un spectacle qui sera consommé par des consommateur-trice-s.
6. Se glisser dans la peau de l’autre.
Lepage voit la critique comme une interdiction aux acteurs de glisser dans la peau de l’autre. Une interprète afro-américaine n’est pas en soi une esclave, ce n’est donc pas le fait de glisser dans la peau de l’autre, c’est le comment et le pourquoi c’est fait, et qu’est-ce qui sera donné en retour. En d’autres mots, qu’est-ce que toute l’équipe, mais surtout les hauts placés de la compagnie, aura comme bénéfices.
7. Dénoncer des injustices sociales.
Il se donne le droit de créer au noms des autres puisque dans le passé, il a consacré des spectacles entiers à la dénonciation d’injustices. Ici, il dévie la critique avec, encore une fois, un argument d’autorité (« Au fil de ma carrière ») et en centrant le débat sur la question des intentions. Il se projette comme une bonne personne. Tout au long de sa carrière, il a créé des spectacles qui dénoncent des injustices, donc il peut voler des éléments culturels des autres parce qu’il va bien s’en servir, c’est-à-dire pour dénoncer des injustices. Les premières personnes visées par les injustices sont capables de dénoncer eux-mêmes les injustices qu’ils subissent, pis l’élite québécoise, canadienne, occidentale, ne les écoute pas. Et bien, tant mieux, ça démontre qu’il n’y en a pas de possibilité de réconciliation de classes.
De l’irresponsabilité sociale
La position de Lepage, celle de se réfugier derrière la liberté de création et d’expression, en est une d’irresponsabilité sociale. Il dit vouloir transformer la société, mais il n’arrive pas à faire face à la critique lorsque des êtres composant cette « société » le confrontent et lui montrent le problème de son œuvre. Il dit vouloir transformer la société mais crée et produit uniquement pour un public qui exercent du pouvoir. Il veut transformer la société du haut vers le bas, comme l’approche gestionnaire à la mode aujourd’hui. Des riches peuvent être conscientisés, être moins « oppressants », mais ne remettront jamais en question les dynamiques de pouvoir déconstruisant la nature et les piliers même de leur pouvoir. Ça serait pas mal suicidaire et illogique.
Même si l’interdiction d’un spectacle soulève toute la question du pouvoir d’interdire, l’œuvre de Lepage est plus que critiquable, elle est une pacification de la résistance des afro-américaines et une manière pour les personnes privilégiées de rejeter la prise de conscience que leur pouvoir repose directement sur ces épisodes sombres du passé. Le droit à la propriété privée et le droit à l’héritage ne sont pas remis en cause.
Prise 2
Le 11 juillet, on apprend que Ariane Mnouchkine, metteure en scène au Théâtre du Soleil à Paris a demandé à Robert Lepage de faire la mise en scène de la pièce Kanata, supposée parler de l’histoire du Canada à travers les rapports Blancs et autochtones. La pièce sera présenté en décembre à Paris et en 2020 au Québec. La question qui m’est venue tout de suite en tête a été la suivante : mais pourquoi demander à Robert Lepage et non pas à des autochtones directement?
La dissonance cognitive à l’œuvre
En entrevue, Mnouchkine se prépare déjà à la critique. Elle dit comment le Théâtre du Soleil a adapté plusieurs pièces (des classiques) en d’autres contextes, mais oublie que Kanata est une nouvelle création, pas une adaptation d’une pièce autochtone. Ensuite, elle parle de l’autonomie de la troupe : « avec le Théâtre du Soleil ; la chair humaine, c’est nous. Les techniciens, les vidéastes sont Canadiens, parce que Robert a une telle expérience de cette recherche-là, et qu’ils sont magistraux. Mais les corps vivants qui seront sur scène seront ceux de chez nous ». Ok, mais pourquoi avoir faire appel à Lepage pour vous expliquer les rapports entre blancs et autochtones et non aux autochtones eux-mêmes? Je suis sûr qu’ils auraient été enchantés de le faire. Puis, elle met en avant les origines multiples des comédien-ne-s. Ok, mais pourquoi avoir exclus les autochtones alors? Et quels sont les origines économiques de ces comédiens? Car un riche d’ailleurs et un riche d’ici a bien plus en commun, culturellement, qu’un pauvre de leur coin respectif.
Pour elle, l’art, c’est « l’emprunt, l’influence, le voyage des cultures, je dirais presque le caravanisme. Les cultures ont voyagé avec les épices, avec la soie, avec les envahisseurs… Il n’y a pas de gitans, de guitares, de flamenco [sans voyages]. Tout le monde s’approprie ce qu’il a aimé de la tribu voisine ; parfois avant ou après l’avoir envahie, parfois massacrée… » Les échanges culturels sont vus sans égard aux relations de pouvoir entre différents groupes culturels. Le pillage n’est pas du métissage entre deux cultures. Il faudrait arrêter d’alimenter le mythe des bonnes relations entre les colons et les autochtones (cela n’empêche pas de reconnaître qu’il y a eu, parfois, de bonnes relations interpersonnelles entre les personnes).
« Le racisme, c’est mettre l’importance dans l’inimportant, dans [une couleur de peau] ou dans la forme d’un nez. Si « Nous, Juifs », si « Nous, Noirs », on commence à entrer dans ces schémas-là, par légitime amertume, par légitime indignation du passé, on va reproduire et d’une façon aussi irrémédiable des souffrances folles, absurdes. » Selon elle, parler de couleur de peau c’est faire preuve de racisme. Cela manque de nuance. Une personne peut ne pas voir la couleur de la peau de l’autre, mais le système, lui, l’accepte et entretient les mécanismes de discrimination. Ici aussi, on confond relations interpersonnelles et rapports structurels.
« Ce qui sera important, c’est qu’on nous dise “Vous nous avez compris, vous avez compris, et vous avez compris parce que vous avez su imaginer ce que ça pouvait bien vouloir dire.” » Pis s’ils vous disent que vous n’avez pas compris, que vous n’avez pas su imaginer ce que ça pouvait bien vouloir dire car vous n’avez pas passé du temps avec eux afin de vivre un peu ce qu’ils vivent au quotidien, est-ce qu’elle reconnaîtra la stupidité de sa pièce?
Quand la journaliste lui demande les sources autochtones de la recherche pour Kanata, Mnouchkine lui répond « Cette question est surréaliste […] Quand le Théâtre du Soleil fait un spectacle, il se documente ! Il va à l’école ». Elle finit par dire qu’elle a visité 4 personnes autochtones, sans plus. Quel a été le travail fait avec ces personnes? Ou le contexte des rencontres?
Quand des autochtones disent de quoi, écoutez au moins
Le 14 juillet, un texte collectif est publié dans Le Devoir dans la section Opinion, intitulé « Encore une fois, l’aventure se passera sans nous, les Autochtones? », en réponse à l’entrevue faite avec Ariane Mnouchkine publié dans le même quotidien. Voici les principaux extraits :
« Dans son entrevue donnée au Devoir, madame Mnouchkine explique qu’elle souhaite raconter l’histoire de la relation entre les Autochtones et les colonisateurs au Canada. Elle souhaite qu’on lui dise : « Vous nous avez compris, vous avez compris, et vous avez compris parce que vous avez su imaginer ce que ça pouvait bien vouloir dire.
[…]
Nous pensons qu’au Québec beaucoup de citoyens ont déjà compris. Madame Mnouchkine n’est pas la première à raconter l’histoire des relations entre les Autochtones et les peuples qui ont colonisé l’Amérique. Il y a eu les marins, les aventuriers, les prêtres qui ont tenu des carnets de bord. Ensuite sont venus les libres penseurs des Lumières, pour sortir l’Europe de sa grande noirceur — qui n’était pas la nôtre, soit dit en passant. Puis, il y a ceux qui voulaient tellement nous comprendre : des anthropologues, des ethnologues, des historiens, des politiciens, des réalisateurs de western, de spectacles « Wild West », alouette, et ainsi vole la perdrix…
Alors, peut-être sommes-nous saturés d’entendre les autres raconter notre histoire.
[…]
Nous ne souhaitons pas censurer quiconque. Ce n’est pas dans nos mentalités et dans notre façon de voir le monde. (…) Certains ont été consultés par les promoteurs de Kanata. Mais nous croyons que des artistes de nos nations seraient heureux de célébrer leur fierté sur scène dans la pièce. Est-ce que les metteurs en scène de Kanata ont cherché une collaboration ?
Nous comprenons, à la lumière de l’entrevue publiée dans Le Devoir, que l’aventure se passera sans nous, encore une fois. Madame Mnouchkine a exploré nos territoires, elle n’a plus besoin de nos services. Exit ! Elle aime nos histoires, mais n’aime pas nos voix. Il nous semble que c’est une répétition de l’histoire et de tels agissements nous laissent un certain sentiment de déjà-vu. On nous inventera, on nous mimera, on nous racontera, parce qu’elle a compris, parce qu’ils ont compris. Pardonnez notre cynisme, mais avons-nous vraiment été compris ?
[…]
La réconciliation passe par l’inclusion, par l’écoute et par le respect de ce qui est exprimé par les Premiers Peuples.
[…]
Enfin, monsieur Lepage s’est prononcé dans les derniers jours en affirmant qu’incarner un personnage implique de pouvoir jouer une autre identité, voire un autre genre. Oui, c’est vrai. Mais cette incarnation s’inscrit dans un contexte social et historique. »
Sentant la pression montée, Robert Lepage et Ariane Mnouchkine ont lancé une invitation aux cosignataires du texte collectif à une « rencontre de dialogue », prévue pour le 16 juillet. Dans le communiqué, Lepage s’est aussi engagé à rencontrer le collectif SLAV Résistance avant une prochaine diffusion du spectacle. Le 21 juillet, Lepage accepte de répondre à des question d’un animateur radio de RadioCanada. Il commence l’entrevue en rappelant le principe du théâtre, ensuite il aborde l’élément de la composition de la troupe de théâtre française, puis il explique la démarche des acteurs et actrices (l’origine du projet) et finit par justifier son implication.
1) Il rappelle que faire du théâtre c’est de jouer l’autre. Oui, mais jouer à l’indien n’est pas toujours éthique.
2) Il insiste sur le fait que les acteurs et actrices composant la troupe sont des réfugié-e-s, sous-tendant qu’ils/elles un statut similaire aux autochtones (de victime?). Toutefois, il ne précise pas leur classe sociale.
3) Il raconte que les acteurs et actrices ont entendu parler de ce qu’est-ce qu’il se passait avec les autochtones au Canada, et que ceux/celles-ci l’ont invité pour parler de la relation avec les autochtones. Okay, mais pourquoi ne pas les avoir mis en contact directement avec des historien-ne-s/artistes autochtones pour parler de ce sujet là?
4) Il dit avoir fréquemment travailler avec des personnes issues d’une minorité culturelle, telles que des personnes noires ou autochtones, nommant seulement Webster et Andrée L. Sioui, ajoutant du même souffle que Webster a quitté le CA du théâtre Le Diamant et que l’artiste huronne-wendate se concentrait sur d’autres projets. Il a également rejeté du revers de la main la critique affirmant que leurs présences sur le CA jouait le rôle de caution morale2 à ses entreprises d’appropriation culturelle.
Trop peu, trop tard
Le 26 juillet, Ex machina émet un communiqué, où ils annoncent, en somme, l’annulation de la production du spectacle Kanata, prétextant que des coproducteurs nord-américains ont annoncé leur retrait. Ils invitent toutes les parties à tenter de comprendre ce que sont fondamentalement l’appropriation culturelle et le droit à une expression artistique libre. Cela a déjà été compris et expliqué. C’est à eux de comprendre maintenant. Nakuset, la directrice générale du refuge pour femmes autochtones de Montréal, s’est dit heureuse de l’annulation, et a ajouté «Nous voulions seulement collaborer, et il n’était pas intéressé. » et « Les diverses nations autochtones regorgent de talent, et auraient pu améliorer la production de nombreuses façons, afin de la rendre plus authentique ».
On a aussi appris que le projet Kanata a été rejeté par un comité de pairs du Conseil des arts du Canada en 2016 et que ce dernier a décidé de suspendre toute décision de financement du projet dans la cadre de la tournée en Amérique du Nord en 2019-2020. Ce qui signifie que Ex machina était déjà au courant, depuis un bon moment, des questionnements éthiques soulevés par Slāv et Kanata. Le Conseil des arts a écrit :
«Le Conseil des arts du Canada défend la liberté artistique, de même que le droit de toutes les personnes, particulièrement celles qui appartiennent à des communautés qui ont souffert ou qui ont été exclues en raison d’obstacles systémiques, de raconter et de partager leur histoire. Nous insistons sur la responsabilité qu’ont les artistes qui soumettent une demande de subvention au Conseil pour des projets qui abordent des éléments distinctifs de la culture des communautés autochtones ou des communautés de diverses cultures à s’engager dans un dialogue respectueux avec ces communautés au sujet de leurs aspirations en matière d’affirmation, de reconnaissance et de dignité», a écrit le directeur du Conseil des arts, Simon Brault au Collectif SLĀV Résistance le 13 juillet dernier.
Quand on pensait que tout était enfin fini…
Le théâtre Saint-Jérôme a annoncé qu’il présentera le spectacle SLĀV en début 2019. D’autres spectacles sont prévues à Sherbrooke, Drummondville et Saguenay. Comme a aussi bien dit Dan Philip de la Coalition des Noirs du Québec « ils feront tout pour générer du profit ». Et le 5 septembre, on apprenait aussi que le Théâtre du Soleil présentement finalement le spectacle, sous le nouveau titre de Kanata – épisode 1 : La controverse. J’ai comme un mauvais pressentiment…
Qui est donc ce Robert Lepage?
D’un point de vue social, je dirais que Robert Lepage représente la fierté du groupe social dominant des québécois riches et progressistes, un représentant du milieu culturel québécois, car il sait faire rayonner cette culture à travers le monde (occidental, cela va de soi). D’un point de vue psychosocial, je pense qu’il est un individu qui n’accepte pas la critique, incapable d’introspection, d’humilité et de repenser une œuvre. Une sorte de narcissique. Concrètement, avec ses collaborateurs, il monte des pièces spectaculaires, souvent insignifiantes, pour des personnes pleines de cash.
De l’appropriation culturelle
Je ne suis pas un partisan de la grille de lecture anti-oppressive, mais je trouve qu’autant SLĀV que Kanata constituent des spectacles s’appropriant la culture d’autrui, par son processus, sa non-collaboration et son manque de représentativité. Cela saute aux yeux. Résumons les événements. Des interprètes des communautés noires nord-américaines, facilement accessibles pour une boite de production tel que Ex machina, ont été mis de côté au début du processus de création. On ne comprend pas trop à quoi Lepage et Bonafassi ont pensé durant tout ce temps. Les spectacles ont été suspendus, puis reportés car Bonafassi dit s’être foulé la cheville et avoir eu peur pour sa personne [sic], et enfin ils ont été annulés par le festival de jazz, aux prises avec cette patate chaude. Lepage sort de son mutisme et rédige un texte démontrant qu’il n’a simplement rien retenu des critiques qu’il a reçu, s’indignant comme seuls les personnes gâtées le peuvent. Dans son texte, il sort les gros canons sémantiques : il parle de censure de son œuvre et de coup porté à la liberté d’expression, et affirme avoir été victime d’une rhétorique agressive.
Survient ensuite la saga Kanata. Dans son entrevue à Le Devoir, Mnouchkine adopte dès le départ une position de justification de son œuvre, de manière très maladroite. Une critique leur est adressée, sous forme de texte collectif. Lepage, qui prétend être si attaché à la liberté d’expression, répond dans une entrevue pour justifier l’appropriation culturelle et défendre le processus. Il dit que le Théâtre réunit des personnes réfugiées en France, de partout à travers le monde. Ce qu’il ne dit pas, c’est le background de ces personnes, de quelles classes sociales elles proviennent. Vivent-elles en HLM? Je ne pense pas. Mais bref. Concentrons-nous sur le processus. Ces acteur-trice-s entendent parler des injustices historiques vécues par les autochtones et ont voulu faire de quoi. Qu’une gang de monde à l’autre bout du monde veulent raconter une triste histoire de ce qui s’est passé ici, l’intention est bien entendu louable. Mais là, pour réaliser leur projet, ils/elles ont eu besoin d’aide, de guidance. Ils-elles se sont tournés vers nul autre que Robert Lepage pour leur raconter l’histoire et diriger la pièce. Et Robert Lepage, lui, au lieu de leur mettre en contact avec un ou plusieurs artistes autochtones, prend la responsabilité sur ses épaules d’être l’intermédiaire des cultures autochtones. En entrevue, Lepage justifie sa position d’intermédiaire en disant que sur le conseil d’administration de son nouveau théâtre (12 pers.), on y retrouvait une artiste autochtone et un artiste noir jusqu’à récemment. Ce n’est pas parce que tu as un ami noir ou autochtone que tu peux parler au nom des autochtones ni des afro-américains.
La censure imaginaire et le moralisme
Que du monde ait exigé, de manière impérative, l’annulation du spectacle SLĀV et qu’ils/elles aient traité tou-te-s les détenteur-trice-s de billet de racistes, ok, je sens effectivement un peu de moralisme. Mais de là à parler de censure et à décrier un État totalitaire, on fait preuve de mauvaise foi. Des personnes qui critiquent un spectacle, c’est comme tout le contraire d’un État totalitaire. Et comme dirait Ellul, faute de remettre en question le contrôle social et l’aliénation à la technique, le conformisme constitue le totalitarisme de demain. En d’autres mots, avec l’absence d’esprit critique, le conformisme d’aujourd’hui joue le même rôle dans nos sociétés que les dispositifs de contrôle (propagande, surveillance, répression,…) dans les États totalitaire d’hier. Lepage essaie de faire passer ceux/celles qui critiquent son spectacle comme des agents voulant contrôler tout ce qui se fait en matière d’art, lorsque dans les faits, il nous demande de nous abstenir de la critique et de nous conformer aux avis aux journalistes de la critique culturelle. De plus, en affirmant être victime de censure sur toutes les tribunes, Lepage démontre comment quelqu’un, qui fait violence à des personnes, arrive à se représenter socialement dans le monde comme victime des personnes agressées.
Tous les sous-groupent tentent d’imposer leur lecture et interprétation morale des événements. Les sous-groupent dominants ont juste plus de ressources et de contacts pour réussir. On assiste donc à une compétition inégale. Malgré les différences, tous ces sous-groupes appellent les individus à se conformer (et intérioriser) aux valeurs et normes véhiculées dans leurs messages et aucun ne remettent en question le cadre des relations de pouvoir et les institutions en place. Que Lepage ait monté un spectacle pour des personnes aisées de la société québécoise, et que ces personnes défendent Lepage, n’a rien de surprenant. La majorité des personnes aisées n’iraient pas voir de spectacles confrontant leurs valeurs par des personnes moins éduqués qu’eux. Ils n’arriveraient pas à comprendre le langage utilisé (ils ne partagent pas la même éducation), ni le coût du billet trop peu élevé selon leur standard, et ils ne pourraient pas s’en vanter auprès de leurs amis. Nous ne sommes pas tous égaux.
Au début de cette controverse, je me disais laissons les riches s’amuser entre eux, on pourra se servir de ces exemples pour les critiquer. Et en plus, les personnes vivant des conditions de pauvreté s’en crissent du spectacle de Lepage et elles n’iront pas le voir. Mais avec du recul et des discussions, j’ai modifié ma position : est-ce que j’ai envie de voir des personnes aisées dire être émues face à un événement du passé, qui versent une larme mais qui ne remettent pas en question les conditions d’existence actuelles? Je comprends donc les actions contre ce type d’événements.
Une question de responsabilité sociale
Les injustices dans le monde doivent être nommées. Mais si tu en parles, assures-toi de te situer et de prendre position. Il y a bien du monde sympa qui arrivent à dénoncer des injustices, des inégalités, des codes sociaux, des relations de pouvoir vécues par des personnes défavorisées, sans parler aux noms de celles-ci. Comment? En prenant le temps de parler avec elles, en ayant des expériences de vie communes, en leur donnant une place dans qu’est-ce qu’on fait, en se remettant en question, et en appréciant les conséquences possibles de nos actes sur ces personnes. Ces personnes n’ont pas besoin de notre aide pour dire ce qu’elles pensent. En parlant à leur place, on les maintient dans une situation d’infériorité, de victimes, on efface leurs voix. On les rend socialement invisibles.
Donc, ce n’est pas une question de liberté d’expression et de droits à dire des conneries, la question est plutôt est-ce que l’œuvre (les propos, le processus, etc.) est responsable socialement? Quelles en sont les conséquences sur la population donnée? Pourquoi sentez-vous le besoin de parler à leur place. La réponse est évidente.
C’est toute de même drôle de noter un détournement de la notion de liberté d’expression. Anciennement utilisé pour défendre nos droits et secouer l’ordre établi, il est maintenant utilisé pour renforcer l’ordre établi.
Parler au nom des autres
Que vous pensez savoir qu’est-ce qui serait mieux pour les autochtones ou d’autres personnes défavorisées, que vous vouliez bien faire et ayez de belles intentions, ou que vous partagez des caractéristiques sociales de la population cible mais cherchez avoir le monopole sur l’expression culturelle du groupe, vous faites la même chose, vous parlez au nom des autres, vous effacez les voix des populations défavorisées du discours public et vous les tassez complètement de la scène. Au lieu de les soutenir, on leur enlève le pouvoir de créer et déterminer comment ils et elles veulent vivre, tout ça dans le but de construire un capital social ou politique sur leur dos.
Notes
1. « KÀ s’articule autour d’une histoire, une aventure de bons et de méchants évoluant dans un univers volontairement intemporel, où s’entremêlent arts martiaux japonais, opéra chinois, capoeira brésilienne et rythmes africains » Voir, 10 février 2005
2. Le terme utilisé par Lepage en entrevue était tokenism