Décès de James C. Scott, l’anthropologue anarchiste

https://reporterre.net/James-C-Scott-anthropologue-et-penseur-des-societes-sans-Etat-est-mort

« Pour James C. Scott, le processus de civilisation n’a rien de linéaire, le progrès relève du mythe. Dans Homo Domesticus, un livre paru en 2019 à La Découverte que Reporterre avait recensé, il révèle, à grand renfort d’études archéologiques, comment la création des premiers États et de l’agriculture sont allés de pair avec l’aliénation des populations.

« Le Néolithique ne se résume pas à la domestication de quelques espèces animales et végétales, observait-il. Ce sont d’une certaine manière les humains eux-mêmes qui se sont autodomestiqués et rendus esclaves. » Dans un autre livre, L’Œil de l’État — Moderniser, uniformiser, détruire (La Découverte, 2021), il analyse les généalogies profondes des technologies de surveillance, les velléités de contrôle et de centralisation des États. Cette idée de vouloir rendre l’espace lisible, aplani pour toujours mieux lever les impôts, appeler à la conscription et prévenir les révoltes.

Les pensées de l’écologie perdent aujourd’hui un grand intellectuel qui avait l’émancipation humaine chevillée au corps et qui nous invitait à décaler le regard, à bousculer nos préjugés. Les barbares ne sont pas ceux que l’on croit. « Les âges sombres » non plus. »

 

https://artreview.com/james-c-scott-much-referenced-anarchist-thinker-1936-2024/

« ‘On the basis of my year and a half in a Malay village,’ he recently reflected in the Annual Review of Political Science. ‘I discovered that resistance was ubiquitous, but it almost always took the forms that were least dangerous and were designed to evade any dangerous retaliation from the authorities.’

‘Let me give an example in Malaysia. There was widespread resistance to the Islamic tithe… There was opposition but there was no open protest. There were no marches; there were no petitions to the government. The opposition to the tithe took the form of surreptitiously undermining it by emptying it of substance. For example, rice handed over to local officials was almost always the worst rice, and the bags of rice were contaminated with stones in order to increase their apparent weight.’ »

 

https://www.philomag.com/articles/deces-de-james-c-scott-lanthropologue-anarchist

« Préférant la virulence tranquille des thèses détonnantes aux grandes gesticulations académiques, la langue populaire aux grands mots, les cultures « fugitives » aux pouvoirs institués, James C. Scott pratique l’anarchisme comme une hygiène. Amène, il prescrit ainsi de s’entraîner à la « callisthénie anarchiste » – du grec kallos, « beau », et sthenos, « la force ». « Chaque jour, si possible, enfreignez une loi ou un règlement mineur qui n’a aucun sens, ne serait-ce qu’en traversant la rue hors du passage piéton. Servez-vous de votre tête pour juger si une loi est juste ou raisonnable. De cette façon, vous resterez en forme ; et quand le grand jour viendra, vous serez prêt. » »

« Le contrat social est un conte de fées. Une mythologie primordiale pour les États, qui ont écrit l’histoire des « barbares » et de tous ceux qui se situent en dehors de leurs frontières. Hobbes et Locke présentent le contrat social comme un pacte volontaire pour la sécurité. Mais la sécurité contre quoi ? Si les frontières de l’État étaient le seul lieu de sécurité, il serait difficile de comprendre pourquoi les gens cherchent à fuir sans cesse et pourquoi la majorité des guerres sont des guerres de rapt, faites pour récupérer une population esclave. Le contrat social devrait être un aimant, dont le magnétisme attirerait des individus livrés aux dangers de « l’état de nature ». Or rien ne permet de l’affirmer. Au contraire, comme le montre Owen Lattimore, un chercheur américain spécialiste de l’Asie centrale et des Mongols, le rôle de la Grande Muraille de Chine était d’abord d’empêcher la population qui paie les impôts et cultive la terre de s’enfuir, plutôt que de se protéger des invasions barbares. La muraille permettait de mettre une limite au nomadisme, incompatible avec le mode de vie chinois sédentaire et agricole, tout en marquant une volonté expansionniste. La sédentarité alimentaire et politique n’est donc pas nécessairement un progrès, et les peuples n’ont d’ailleurs cessé de résister à toutes les formes de domestication. »

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